Tous les jours, je n’ai aucun mal à trouver un prétexte pour ne pas aller voir un film de Pasolini. Alors que Les mille et une nuits et Accattone me font du pied, je choisis Plein soleil.
Plein soleil, René Clément, France / Italie, 1960, 1h52. *
Armé d’un couteau à découper le chorizo, Tom Ripley monte le plus gros bateau de sa vie. Maurice Ronet donne l’impression de créer le personnage qu’on retrouvera trois ans plus tard dans Le feu follet : sauf que c’est celui qu’on ne voit jamais dans le film, le noceur invétéré d’avant la maison de repos. Dans le livre que je lisais dans le train, Jean-Marc Parisis rappelle que Delon a convaincu Clément de lui offrir le rôle du fourbe Tom Ripley à la place de celui de Philip Greenleaf, le riche héritier à la dérive. J’avais oublié cette scène où Tom Ripley, en faussaire expérimenté, contrefait le tampon sur la photo d’identité en inscrivant son empreinte dans un morceau de pate à modeler.
Je déjeune d’une assiette de couteaux et d’une verre de Bordeaux blanc, servi dans un dé à coudre en carton.
Le chemin des écoliers, Michel Boisrond, France /Italie, 1959, 1h34.
Un an avant Plein soleil, Alain Delon s’improvisait imposteur pour les beaux yeux de Françoise Arnoul. Dès la première scène du film, où les deux amoureux traversent Paris à vélo, j’ai soudain un flash : je l’ai vu il y a moins de trois mois sur Filmo. Dans Le chemin des écoliers, Bourvil incarne le père de jeune Delon - 10 ans plus tard, dans Le cercle rouge, il se fera passer pour un receleur afin de le confondre. Dans Le chemin des écoliers également, Lino Ventura sauve le peau du jeune Delon : dans Le clan des Siciliens, il sera beaucoup moins aimable avec lui.
Hier, j’ai reculé devant la perspective de trois Delon d’affilée. Aujourd’hui, je n’ai plus de scrupules et j’enchaîne avec La veuve Couderc.
La veuve Couderc, Pierre Granier-Deferre, Italie / France, 1971, 1h30. *
Lecteur, je me dois d’être honnête avec toi : je confonds systématiquement La veuve Couderc avec Les granges brulées. Pourtant, mis à part le face à face Delon / Signoret, pas beaucoup de raisons de les assimiler : le premier se passe lors de l’entre-deux guerres alors que le second se déroule dans les années 70. Je pensais que Delon n’était moustachu que dans Le cercle rouge et Le gitan : j’avais oublié qu’il l’était aussi chez Granier-Deferre. La journée ne se déroulera pas sans que j’ai vu Delon abattu, comme à la fin du Samouraï, comme à la fin du Cercle rouge.
J’ai demandé à mes hôtes la permission de 22h : j’ai envie d’aller à l’avant-première du nouveau Mia Hansen-Love, en présence de la réalisatrice et de son interprète Pascal Greggory.
Un beau matin, Mia Hansen-Love, France / Allemagne, 2022, 1h52.
Malheureusement, impossible d’apprécier Un beau matin après l’uppercut nommé Vortex. Car le film de Mia Hansen-Love, qui traite du même sujet douloureux, est bien mièvre par rapport au Gaspard Noé. Léa Seydoux, avec ses cheveux courts, a des faux airs de Mia Farrow dans Rosemary’s Baby. Son jeu se résume à sa moue boudeuse. Melvil Poupaud, en vieillissant, ressemble de plus en plus à François Cluzet. Il n’y a pas un seul moment où le film m’a touché - alors qu’aussi bien Eden que Le père de mes enfants y étaient parvenus. J’aurais mieux fait d’aller tenter ma chance avec Unrest de Cyril Schäublin ou L’âme soeur de Fredi M. Murer.