Delon en large (4)
Z'étaient chouettes les poinçonnières du bord de mer / Z'étaient faites pour qui savait y faire.
J’ai revendu le DVD du Guépard l’an dernier : j’ai cru que je n’arriverai jamais au bout des 3 heures. Mais comment porter aux nues Rocco et ses frères et répudier Le Guépard ? Je décide de lui accorder une seconde chance.
Le Guépard, Luchino Visconti, Italie / France, 1963, 3h06.
Et c’est un ravissement. Total. Les couleurs. Les décors. Les costumes. Le cinémascope. La beauté solaire de Claudia Cardinale. L’autorité souveraine du prince Salina. La duplicité de Tancrède, qui renie Garibaldi après l’avoir rallié. L’ombre omniprésente du confesseur. La jalousie de Concetta. Le comte Cavriaghi, pour s’attirer les faveurs de cette dernière, lui offre un livre. Je me note mentalement de capturer cette image pour Un film, un livre.
Dans Un problème avec la beauté - Delon dans les yeux, Jean-Marc Parisis écrit :
La magnificence du Guépard relevait d’un cinéma absolu, voué à disparaitre en Europe, à devenir l’apanage des Américains. A 26 ans, après cinq ans de carrière, Delon en vivait les derniers feux, le pressentait peut-être.
Difficile d’enchaîner après un spectacle pareil. Mais le FEMA ne manque pas de ressources : j’avance dans le temps de 13 ans avec Monsieur Klein.
Monsieur Klein, Joseph Losey, France / Italie, 1976, 2h02.
J’ai raté le passage au FEMA de Francine Bergé, la maîtresse de Monsieur Klein, comme j’ai raté sa présence à la Cinémathèque il y a quelques mois pour présenter Judex. Si tu n’as jamais vu Francine Bergé cavaler sur les toits de Paris en collant noir chez Franju, dis-toi que tu n’as rien vu, et qu’aussi bien Emma Peel que Catwoman peuvent aller se rhabiller.
Je suis obligé de faire une remarque à ma voisine de derrière, qui prédit systématiquement à son mari ce qui va se produire à l’écran. Même si j’en connais très bien l’issue, ce n’est pas à La Rochelle qu’on va me divulgacher Monsieur Klein.
Un livre apparait également deux fois à l’écran : Moby Dick.
Comme dans Le Samourai, comme dans Le Cercle Rouge, comme dans La veuve Coudert, Alain Delon meurt à la fin. C’est la quatrième fois en quatre jours.
J’ai prévu mes hôtes que je rentrerai tard, j’ai envie de voir le nouveau Ulrich Seidl, Rimini. Ulrich Seidl est l’enfant terrible du cinéma autrichien. Avec un réalisme proche du documentaire, il entraine les spectateurs au bord du malaise. C’est un immense provocateur doublé d’un esthète.
Rimini, Allemagne / Autriche / France, 2022, 1h54.
Rimini n’échappe pas à la règle. La caméra suit le quotidien pathétique d’un chanteur de charme dans une station balnéaire. Le film, à l’origine, durait quatre heures et brossait le portrait de deux frères. Le distributeur a suggéré de le scinder en deux et d’en faire un diptyque. Contrairement aux films de Michaël Haneke dont la violence m’est insupportable, ceux d’Ulrich Seidl ont la politesse de basculer dans l’absurde et reposent sur cet équilibre fragile entre la beauté des images et la laideur des êtres.
Au sortir de la projection, j’ai la surprise de retrouver Brice, un garçon que j’ai connu dans une autre vie et qui travaille désormais dans la distribution. Il me confie que Rimini n’est rien par rapport à ce que Ulrich Seidl prépare.
Un pique-nique sur la plage au soleil couchant conclue parfaitement cette journée. La saison n’a pas encore commencé à Chatelaillon et le glacier propose deux nouveaux parfums : Corne de gazelle et Cannelés.