En janvier dernier, à l’occasion d’une remise en main propre suite à un achat effectué sur leministreduprix, je découvre l’existence d’une ressourcerie aux Batignolles. Vendredi dernier, alors que mon employeur dans son immense mansuétude à décidé de m’octroyer une journée de congés, je décide d’aller faire une photo passage Cardinet : à l’endroit où, dans “Baisers volés”, Antoine Doinel, encore en tenue de bidasse, va rendre visite à des prostituées. L’endroit est charmant : c’est un coude qui part de la rue Cardinet pour aller jusqu’à la rue de Tocqueville. Pas de circulation, pas de stationnement : calme absolu. Antoine Doinel, s’il retournait sur les lieux, repartirait bredouille : les femmes de petite vertu l’ont déserté.
Je profite de ma présence dans le quartier pour visiter la ressourcerie. Livres a prix libre a l’extérieur, cabinet de musique à l’intérieur. C’est alors que, tel Antoine Doinel, je m’apprête à repartir bredouille, que je l’aperçois : l’annuaire du cinéma et de la télévision 1982. Edition spéciale 35ème année. 2000 pages. Je l’ouvre au hasard et tombe sur une double page photo : Laurence Badie à gauche, André Badin à droite. Cette découverte me coupe les jambes. Je m’assieds.
Je t’ai déjà bassiné avec Le fichier électronique du spectacle, que Tony m’a fait découvrir, et dont j’ai acheté, un jour où j’étais pris de fièvre, un lot de 8 volumes. Je l’ai moins ramené au sujet de l’annuaire des comédiens de Charles Minouflet, offert par Damien, et dont j’ai acquis deux volumes supplémentaires. L’annuaire du cinéma et du spectacle, c’est la même chose, mais en encore plus gros : car c’est aussi aussi le répertoire de toutes les salles de cinéma département par département (même le cinéma L’Etoile à Saulieu, 21210 ? Même le cinéma L’Etoile à Saulieu, 300 places, propriétaire Mme Suzanne Gaudry) , des 408 films de long-métrage à l’affiche en 1981, des sociétés de production, des techniciens (une impressionnante double-page de perruquiers-coiffeurs), des agents artistiques… mais aussi des scénaristes, des réalisateurs et des assistants réalisateurs.
Claude Autant-Lara ? 66 rue Lepic, téléphone 606-23-83.
Boileau-Narcejac ? 11 rue Viollet-Le-Duc, téléphone 526-93-64.
Robert Bresson ? 49 quai Bourbon, téléphone 483-40-92.
Jacques Demy ? 86 rue Daguerre, téléphone 322-32-36.
Il y a aussi les incongrus. A la rubrique scénariste :
Magdane (Roland), 16 rue Bardinet, téléphone 542-83-35.
Polac (Michel), 11 rue de la Rosière.
Pecas (Max), 29 rue François-1er, téléphone 359-61-82.
Qu’est-ce qui est sorti en 1981 ? “Elephant Man”, “Beau-père”, “Le choix des armes” et “Un étrange voyage”. Mais aussi : “Cléopâtre, la panthère du kung-fu”, “Confession d’un moniteur d’auto-école”, “Les dix mercenaires du karaté” et “Les enfants du n°67 ou Heil Hitler, je voudrais du crottin” (sic). L’annuaire offre pour chaque film un bref résumé. “Un colonel chirurgien, dans un hôpital militaire, complexé avec les femmes, a le coup de foudre pour une doctoresse qui le lui rend bien.” Vous avez trouvé ? Non ? C’est “L’infirmière a le bistouri facile”.
En 1981, je n’allais pas encore au cinéma tout seul. Je tannais mon père pour qu’il m’accompagne. Qu'est-ce que je l’ai emmené voir ? Les aventuriers de l’arche perdue”, “Flash Gordon”, “Le choc des titans”, “Rien que pour vos yeux” et le consternant “Fais gaffe à la gaffe”, où Roger Mirmont tentait d’incarner l’anti-héros crée par André Franquin. Adaptation : Paul Boujenah et Francis Lax. Ah, c’est sûr, on avait mis les moyens… Est-ce en raison de ce cuisant échec que mon père a par la suite trainé les pieds alors que je le suppliais de m’emmener voir “Condorman” ? Je me souviens encore de Jean-Pierre Kalfon faisant la promo du film chez Michel Drucker.
J’étais parti pour ne pas acheter L’annuaire… et j’avais commencé à prendre en photo les pages les plus pittoresques pour les envoyer à Damien. Et puis, au moment ou je suis tombé face à face avec Valérie Kaprisky page 467, j’ai regardé le prix. Cinq euros. J’ai fait traverser Paris à ce monstre de près de 3 kilos. Et il trône sur ma cheminée depuis.
Depuis, je vis en 1982. Qu’est-ce que je pourrais aller voir cet après-midi ? “Celles qu’on n’a pas eues” ? “Zoltan, le chien sanglant de Dracula” ? “Les zizis baladeurs” ?”Reste avec nous, on s’tire” ? Et si j’appelais Claude Pieplu plutôt ? 288-58-64. Allô Claude ? Je voulais juste vous dire que, dans “Le charme discret de la bourgeoisie”, quand vous dites “De vous à moi, la République de Miranda, je m’en soucie comme d’une guigne”, j’éclate de rire à chaque fois.
C'est quand tu veux pour une projection maison de "Condorman". Pour "Les zizis baladeurs", je ne suis pas encore prêt.