Il y a 15 jours à Montreuil, sous un soleil magnifique : un carton de DVD de classiques du cinéma. Quand le tarif de 50 centimes le film m’est annoncé, je remplis mon sac sans même respecter les précautions d’usage (à savoir de vérifier que le DVD est bien dans le boitier et qu’il n’est pas rayé). En engageant la discussion avec le vendeur, qui doit avoir une petite trentaine d’années, j’apprends qu’il s’agit de la collection de films de son père, qui n’est plus de ce monde, et qu’il s’est décidé à la vendre, n’ayant plus de lecteur DVD. En me voyant embarquer un exemplaire neuf sous plastique de L’Aventure de Mme Muir, il me confie : “Celui là, mon père a dû me l’offrir pour que je le regarde, et je ne l’ai jamais fait. Attendez, avant que vous partiez, ça vous dérange si je fais une photo de la pile de DVD pour me souvenir du nom des films ?”. Je pose pour la postérité.
HE MEC, TU TE RENDS COMPTE QUE T’AS UNE PHOTO DU SUPERPOSEUR AVEC LES DVD DE TON PERE ?
Samedi dernier, rue Caulaincourt. Je reconnais les vendeurs : c’est un couple de retraités qui ne proposent que des DVD sur leur stand. Je les ai déjà croisés au printemps, je me souviens même leur avoir racheté tous leurs Gérard Philipe (“Moi je jouais Gérard Philipe / Les sentiments les principes / Je t’attendais sous la pluie”).
Je les exhorte de retirer La Barbe à papa de la vente : c’est un de mes 5 films favoris au monde et il ne faut pas qu’ils s’en séparent s’ils ne l’ont pas vu. La glace brisée, la femme raconte : c’est la collection de DVD de sa sœur, qui avait deux idoles, Richard Burton et Ethan Hawke. Ethan Hawke ? Vu l’âge de la personne à qui je m’adresse, j’aurai plutôt misé sur James Stewart.
Même si le tarif annoncé est plus élevé qu’à Montreuil, il reste très abordable. J’y vais sans scrupules. Le pile commençant à prendre une taille déraisonnable, je demande aux vendeurs s’ils peuvent me mettre les DVD de côté derrière le stand. Pendant que je continue à fouiller, la femme examine ma pile. “Alors qu’est-ce que vous avez pris ? Ah, mais vous avez bon goût ! Vous avez les mêmes goûts que ma sœur”.
J’ai les mêmes goûts que des gens qui sont morts. Si le plancher craque chez moi quand je regarde leurs films, il ne faut pas que je m’étonne.