Deux Korber, sinon rien
Si Katerine vous a fait découvrir le Huitième Ciel, Serge Korber vous emmènera neuf étages plus haut.
Capture d’écran : Jean-Louis Trintignant dans “Le dix-septième ciel”.
Un ami, c’est quelqu’un qui pense à vous quand il trouve, dans une boîte à livres, “Un homme à sa fenêtre” de Jean-Louis Trintignant, édition originale de 1977 chez Jean-Claude Simoen. Et qui vient vous l’apporter à domicile, à l’heure du goûter, accompagné d’un palmier qui colle encore au papier du boulanger.
Moins d’une heure après que cet ami soit parti, je reçois la sélection mK2 Curiosity de la semaine. En hommage à Serge Korber, disparu dimanche dernier, mK2 propose Un jour à Paris, court-métrage marquant le début d’une collaboration entre le réalisateur et Jean-Louis Trintignant. 1962, excellent millésime : l’année du Fanfaron de Dino Risi1 et du Combat dans l’Ile d’Alain Cavalier.
C’est François Truffaut qui présente Pierre Braumberger à Serge Korber : le premier produira les premiers court-métrages du second. Quand Braumberger le laisse tomber, Korber se tourne vers un inconnu qui s’improvise à son tour producteur en empruntant de l’argent à son père. Cet inconnu s’appelle Marin Karmitz. Le succès du Un jour à Paris permettra au réalisateur de mettre en chantier son premier long-métrage, Le dix-septième ciel, toujours avec Trintignant.
Korber, c’est le trait d’union entre le burlesque et la Nouvelle Vague. Dans Un jour à Paris, un parapluie vendu par Jacques Balutin change le quotidien d’un demandeur d’emploi qui va finir sa journée sur la scène de l’Olympia. C’est La la land en 20 minutes, avec Alain Goraguer en chef d’orchestre. Trintignant danse sous la pluie place Julien Herr : le bac de gaz en haut de l’escalier a t-il été remplacé par un lampadaire ? J’irai vérifier.
Le dix-septième ciel figure depuis plusieurs mois dans ma liste d’attente sur Filmo. Enchanté par Un jour à Paris, je décide d’enchainer. Le long-métrage est pratiquement la suite du court : c’est toujours Trintignant en noir et blanc, seul rival en 1966 d’Alain Delon au titre de plus bel homme du monde. En faisant les carreaux d’un immeuble à la Défense, il tombe amoureux de Marie Dubois. Et décide de la suivre en train jusqu’à Perros-Guirrec. Sur la plage, il lui apprend à faire de la bicyclette. Ils ne sont pas moins romantiques de Michel Piccoli et Romy Schneider dans Les choses de la vie. La réalisation déborde d’idées : Trintignant filmé en contre-plongée tout en haut d’une échelle qui semble monter jusqu’au paradis. Trintignant immobile sur la plage alors que la marée est en train de monter : en 1966, on ne parle pas encore de time-lapse.
Dans Un homme à sa fenêtre, Catherine Deneuve déclare :
Jean-Louis ne fait pas une carrière, au sens traditionnel du mot. Il a plus envie de rêver sa vie que la vivre.
Dans Le dix-septième ciel, Trintignant effectue des acrobaties dignes d’un Belmondo. Il m’a fasciné : c’est la première fois que je le découvrais funambule. En 1967, l’acteur va enchainer avec Un homme et une femme de Claude Lelouch. Puis en 1968 avec Trans-Europe Express d’Alain Robe-Grillet.
Et l’insouciance de chez Korber, l’a t-il un jour retrouvée ?
Actuellement en replay sur Arte.