Je suis allé quelquefois au cinéma, boulevard Ornano. Au Clignancourt Palace, à la fin du boulevard, à côté de «Verse Toujours». Et à l'Ornano 43.
J'ai appris plus tard que l'Ornano 43 était un très ancien cinéma. On l'avait reconstruit au cours des années trente, en lui donnant une allure de paquebot. Je suis retourné dans ces parages au mois de mai 1996. Un magasin a remplacé le cinéma.
A la page 13 de Dora Bruder, je retrouve cette adresse qui m’est familière : le 43 boulevard Ornano, à une centaine de mètres du siège social de mon employeur. Depuis que je travaille porte de Clignancourt, je n’ai cessé de passer devant cette façade atypique, ilot de beauté au milieu d’une mer intranquille. Comme Patrick Modiano, je n’ai jamais connu le cinéma ouvert. Une enseigne de hard discount avait élu domicile au rez-de-chaussée : elle a fermé au tournant des années 2010.
Si je consulte mon très cher Annuaire du Cinéma et de la Télévision 1983, l’Ornano 43 ne fait déjà plus partie des cinémas recensés dans le XVIIIème arrondissement (qui compte alors encore 18 salles1 dont le concurrent de l’Ornano 43 : le Paris Bowling 1 et 2, situé au 78 boulevard Ornano). Il figure par contre dans L’Officiel des spectacles daté du 24 novembre 1971 : téléphone Mon 56-40, séance 3 et 3,50 francs. Une salle, deux films en alternance : La Horde des salopards et Les Longs Jours de la vengeance. Programme du 15 octobre 1969 : L’Espion au chapeau vert et Le Retour des titans. 5 juillet 1967 : Super 7 appelle le Sphinx et La Charge de la 8ème brigade. 27 mars 1963 : Le Secret de d’Artagnan et Les Deux Gamines.
Début 2020, une agitation inhabituelle règne autour du 43 boulevard Ornano. Le bâtiment fait l’objet d’une réhabilitation. Va t-il redevenir un cinéma ? Je documente, semaine après semaine, le balais des bulldozers. L’immeuble tombe. Par l’entrée du chantier située rue Hermel, je devine où devait se trouver la salle de projection. Que sont devenus les fauteuils ? Où est passé le rideau, l’écran ? Trouverais-je parmi les décombres un billet froissé ?
Du cinéma, il ne reste aujourd’hui que le symbole : la façade. Un immeuble a poussé derrière, dans un style malheureusement éloigné des années 30. La surface au rez-de-chaussée est restée pendant un an à louer. Un commerce vient d’ouvrir ses portes : c’est un magasin Monsieur Bricolage. J’espère y croiser un jour Patrick Modiano en train d’acheter un sac de vis à têtes plates.
Il n’y en a plus que deux à ce jour : le Pathé Wepler et le Studio 28.
Merci pour ce billet, j’aime beaucoup cette façade, ça m’avait fait plaisir de la retrouver dans le Modiano. Il y a quelques années (ma mémoire défaillante m’empêche d’être plus précis…), j’avais vu une super expo à la mairie du 18e sur les cinémas de l’arrondissement, la majorité de ceux qui n’ont pas été détruits sont devenus des supermarchés il me semble.